Les champignons médicinaux : usages traditionnels et utilisations thérapeutiques modernes

par CatégorieMycothérapie 17 février 2024

La mycothérapie, pratique ancestrale remontant aux débuts de la phytothérapie, s’appuie sur un savoir empirique séculaire. Si le chimpanzé exploite une pharmacopée naturelle de près de 60 plantes, le gorille se tourne vers certains polypores pour leurs propriétés désinfectantes digestives. Aujourd’hui, la recherche fondamentale explore activement le potentiel médicinal des champignons, comme en témoignent les nombreux articles publiés sur PubMed au cours des dernières décennies. Dans cet article, nous explorerons d’abord les racines traditionnelles de la mycothérapie, puis nous tracerons son évolution jusqu’à nos jours, en mettant en lumière les applications scientifiques contemporaines des champignons médicinaux.

Champignons médicinaux et mycothérapie, ses racines les plus lointaines

Les usages ancestraux des champignons médicinaux sont documentés sur tous les continents. Souvent, ces applications médicinales étaient étroitement liées à des pratiques magiques, comme dans le chamanisme des peuples amérindiens et sibériens.

L’homme préhistorique célèbre découvert le 19 septembre 1991 dans les glaciers du Tyrol, connu sous le nom d’Ötzi, avait des fragments de champignons sur lui. Datant d’environ 5300 ans, cet individu du Néolithique aurait succombé à des blessures causées par des chutes en montagne, ainsi qu’à une blessure à la main infligée par un objet tranchant, selon les autopsies. De plus, il était porteur de la maladie de Lyme et souffrait d’une infection parasitaire intestinale appelée trichinose, dont des œufs ont été découverts dans sa muqueuse digestive. Les champignons, attachés à des lanières de cuir, ont été identifiés comme suit :

  • Piptoporus betulinus (Bull.) P. Karst. 1881, qu’on appelle communément le polypore du bouleau, (famille des fomitopsidacées)
  • Inonotus obliquus (Pers.) Pilát, 1942, connu des paysans sibériens sous le nom de chaga, ou tchaga (famille des Hymenochaetacées)
  • Fomes fomentarius (L.) Fr. 1849, que l’on connait aussi sous le nom commun d’amadouvier (famille des polyporacées).

Aujourd’hui reconnus pour leurs propriétés médicinales, il est probable qu’Ötzi ait utilisé les deux premiers champignons à cette fin en mycothérapie. L’amadouvier, autrefois principalement utilisé pour allumer le feu, était transporté par Ötzi avec un kit de feu comprenant du silex et des morceaux de pyrite.

D’autre part, il est suggéré que le polypore du bouleau était principalement destiné au traitement de la trichinose dont Ötzi souffrait. Ce champignon est connu en mycothérapie pour son action destructrice sur les œufs de trichine et pour ses propriétés laxatives efficaces.

Quant au chaga, il était probablement utilisé par Ötzi pour renforcer son système immunitaire contre le froid et les maladies hivernales, comme il est traditionnellement utilisé aujourd’hui par les peuples sibériens et amérindiens du Canada.

En ce qui concerne l’amadouvier, selon le mycologue anglo-canadien Arthur Henry Reginald Buller (1874-1944), Hippocrate l’utilisait déjà au Ve siècle avant J.-C. pour cautériser les plaies. Les Romains, notamment Pline l’Ancien, connaissaient également ses propriétés. Ce champignon de mycothérapie a longtemps été utilisé comme hémostatique et cicatrisant, de la Laponie au Japon. Au Népal et au Japon, l’amadouvier était utilisé de manière similaire à celle d’Hippocrate, en brûlant l’amadou et en utilisant la matière enflammée pour cautériser les plaies, donnant ainsi naissance à la pratique de la moxibustion en Asie.

Dans la Grèce antique, certains champignons étaient renommés pour leurs vertus médicinales, notamment le rare polypore du mélèze, également connu sous le nom de polypore officinal (Fomitopsis officinalis, (Vill.) Bondartsev & Singer, 1941, de la famille des Fomitopsidacées). Cette espèce officinale, exclusivement présente en montagne en France, était appelée Agarikon par le célèbre médecin Dioscoride (environ 25 après JC – environ 90 après JC) dans son ouvrage « de medica ». Il recommandait son utilisation en mycothérapie comme antidote aux poisons et aux morsures de serpents, pour la réduction des fractures, ainsi que dans le traitement de l’épilepsie ou de la dysenterie. Le médecin grec Galien (129 après JC – vers 201 après JC) en a également fait mention.

Ce champignon est ensuite cité dans le manuscrit médical connu sous le nom de Vienna codex, datant de l’an 512 après JC. Plusieurs antidotaires du Xe siècle le mentionnent comme un possible anticancéreux. Son utilisation est également documentée dans la Farmacopea bergamosca en 1580. Plus tard, en 1845, le médecin herboriste milanais Fernet a créé avec les frères Branca le célèbre apéritif nommé Fernet Branca, comprenant notamment ce champignon. Cependant, cette popularité a malheureusement entraîné une récolte intensive de ce champignon, expliquant sa rareté actuelle en Europe.

En Europe, bien que les usages anciens des champignons en mycothérapie aient laissé des traces, ils n’ont souvent pas perduré à travers les siècles, contrairement à la phytothérapie, qui est restée ancrée dans le paysage médical.

La mycothérapie d’Extrême Orient, un savoir consistant

Les Chinois et les Japonais ont traditionnellement utilisé les champignons médicinaux depuis des millénaires, et cette pratique perdure jusqu’à nos jours.

Le shiitake, par exemple, est documenté dès 199 avant J.-C. lorsque les Chinois l’ont offert en signe de respect à l’empereur japonais Chuai, lors de sa visite. Bien qu’il soit endémique de la région, on estime que sa connaissance remonte à plus de 5000 ans en Chine et au Japon.

En Chine, sa consommation alimentaire est attestée dès la dynastie des Han (202 avant J.-C. – 220 après J.-C.), initialement à l’état sauvage avant sa culture, documentée pour la première fois vers l’an 1000. Il est également mentionné dans les écrits agricoles du roi Zhen de la dynastie Yuan (1271-1368) et ses propriétés médicinales sont décrites par le médecin Wu Ri sous la dynastie des Ming, où il était utilisé pour augmenter l’énergie, renforcer le système immunitaire et traiter les parasites intestinaux.

D’autres champignons tels que le maitake et le cordyceps ont également été largement utilisés pour leurs propriétés médicinales, devenant des incontournables de la mycothérapie moderne. »

En Amérique Latine, entre usages magiques et médicinaux

Les pays d’Amérique latine sont réputés pour leurs usages traditionnels des champignons, notamment dans des contextes hallucinogènes. Roger Jean Heim (12 février 1900 – 17 septembre 1979) a largement contribué à la connaissance de ces usages en étudiant le Psilocyba mexicana dans les années 1950. Accompagné de l’ethnologue américain Robert Gordon Wasson, il a rencontré les indiens Mazatèques et a même consommé ce champignon psychotrope à des fins chamaniques, relatant ses expériences dans des journaux français tels que « Le Monde ».

Bien que l’usage chamanique soit associé aux champignons psychotropes et soit réservé aux chamanes, de nombreuses études ont également révélé que les peuples amérindiens utilisaient les champignons à des fins culinaires et médicinales. Par exemple, les peuples mixtèques ont traditionnellement consommé des champignons comestibles tels que la girolle, également reconnue empiriquement pour ses propriétés anti-inflammatoires.

Dans toute l’Amérique, de nombreux peuples, des États-Unis au Brésil, ont traditionnellement utilisé l’Agaricus subrufescens, également appelé champignon des Dieux ou champignon du soleil par les amérindiens, réputé en mycothérapie pour renforcer l’organisme contre les maladies infectieuses. »

La mycothérapie ailleurs dans le monde

Selon Daniel Thoen, dans un article du bulletin trimestriel de la Société Mycologique de France daté du 31 octobre 2017, les polypores médicinaux sont traditionnellement utilisés depuis des siècles en Afrique, en Nouvelle-Guinée et en Inde.

En Nouvelle-Guinée, par exemple, le Fomes auberianus (Mont.) Murrill, de la famille des polyporacées, serait utilisé, entre autres, comme abortif.

Comment a évolué la mycothérapie dans l’Histoire

La pratique de la mycothérapie a évolué de manière différente selon les régions du monde. En Afrique, en Océanie et en Amérique, les connaissances sont restées largement traditionnelles, notamment chez les Indiens Blackfoot et les peuples Mixtèques mentionnés précédemment. Ces savoirs n’ont pas été systématiquement compilés dans une pharmacopée écrite, demeurant plutôt dans le domaine des traditions orales.

Dans cet article, nous mettrons l’accent sur les utilisations des champignons médicinaux dans les pays d’Asie du Sud-Est, en particulier au Japon et en Chine, ainsi qu’en Europe.

En Europe, un héritage discret

Depuis la découverte d’Ötzi, l’utilisation des champignons médicinaux en Europe est restée relativement discrète. Initialement, les champignons étaient principalement considérés comme des délices gastronomiques, tels que l’amanite des Césars ou oronge vraie (Amanita Caesara), réservée aux empereurs romains. Cependant, certains, comme l’amanite phalloïde, étaient également perçus comme des poisons redoutables, utilisés même pour des intrigues politiques, comme dans le cas de l’empoisonnement de l’empereur Claude par Agrippine. Au Moyen Âge, bien que les champignons aient été appréciés pour leurs qualités gustatives, certains, comme l’appellation « bolet des bouviers », étaient destinés aux paysans en raison de leur saveur moins recherchée.

Malgré cette perception gastronomique, certains champignons comme le polypore officinal ou l’amadouvier ont acquis une réputation importante en mycothérapie, cités dans divers codex ou recueils médicinaux. Par exemple, la Farmacopea bergamosca mentionne le polypore officinal.

D’autres espèces ont continué à être utilisées à des fins médicinales, notamment le Lactarius lignyotus, également connu sous le nom de « chocolate mushroom » chez les anglo-saxons, utilisé traditionnellement par les Jurassiens pour traiter la blennorragie. Certains lactaires ont même été répertoriés dans des encyclopédies médicales, comme le lactaire poivré, cité dans l’encyclopédie de Diderot et d’Alembert comme remède contre la tuberculose.

L’amanite tue-mouche est un exemple notable, reconnu dès l’Antiquité pour ses propriétés hallucinogènes et son utilisation dans des pratiques chamaniques. Plus tard, au XIXe siècle, ce champignon a été intégré à l’homéopathie sous le nom d’Agaricus muscarius, utilisé pour divers troubles neurologiques et psychiatriques. La vesse de loup géante, également connue sous le nom de Calvatia gigantea, a également une longue histoire d’utilisation médicinale, notamment pour ses propriétés cicatrisantes et anesthésiantes.

Enfin, le rosé des prés, ou Agaricus campestris, est un autre champignon traditionnellement utilisé en Europe. Populaire comme aliment, il est également réputé pour ses propriétés antihistaminiques, utilisé pour soulager les allergies respiratoires. Aujourd’hui, il est préparé sous forme de teinture mère, de gélules ou de macérations alcooliques ou non alcooliques.

La mycothérapie asiatique, une tradition très vivante

Depuis les débuts de l’utilisation médicinale des champignons en Chine et au Japon, il est remarquable de constater que les espèces les plus emblématiques ont rapidement intégré les principales pharmacopées de ces deux pays. Ces champignons sont souvent connus en Europe sous leurs noms chinois ou japonais, bien que certaines espèces médicinales poussent également couramment en Europe.

Parmi ces champignons emblématiques, on trouve le cordyceps (Ophiocordyceps sinensis), le Shiitaké (Lentinula edodes) et la trémelle fucus (Tremella fuciformis), originaires strictement d’Extrême-Orient. D’autres espèces utilisées en Chine et au Japon sont également présentes sur nos sols, comme le reishi (Ganoderma lucidum), le maitake (Grifola Umbellata et Grifola frondosa), ainsi que l’enokitake (Flammulina velutipes).

Ces sept espèces de champignons sont largement reconnues pour leurs propriétés médicinales en Extrême-Orient et ont contribué de manière significative au regain d’intérêt pour la mycothérapie en Europe et aux États-Unis.

1. Le cordyceps ou champignon chenille :

Cette espèce particulière est un ascomycète qui parasite une chenille vivant sous terre, la larve d’un lépidoptère de la famille des Thitarodes. Elle développe son mycélium dans cette larve, qu’elle tue, puis elle développe son carpophore, qui se développe par la tête de la larve, et sort de terre. Le cordyceps, également connu sous le nom de champignon chenille, est traditionnellement récolté au Tibet, où il est appelé yarsagumbu, mais on le trouve dans toute la chaîne himalayenne, du nord de l’Inde au Népal et à la Chine.

En Chine, selon Christelle Francia et al., le cordyceps était et est encore utilisé en mycothérapie dans les cas d’asthme sous forme de fagots, comprenant le carpophore et la chenille avec le mycélium. Ces fagots étaient placés dans du gésier de canard et administrés ainsi après cuisson. Ce champignon faisait également partie de mets impériaux au canard laqué, réservés dans l’Empire du Milieu à l’Empereur de Chine et à sa cour. La plus ancienne utilisation de ce champignon en Chine remonte à 1730. Il est notamment répertorié dans le traité médical Ben-Cao-Cong-Xin, au 18ème siècle, sous la dynastie Qing. Au Tibet, on estime qu’il est utilisé depuis plus de 500 ans, notamment comme tonique sexuel, comme protecteur rénal et en cas de troubles cardiovasculaires.

Ce champignon est devenu encore plus populaire en Chine et dans le monde lorsqu’en 1993, deux athlètes chinoises se sont entraînées en altitude pour une compétition et ont régulièrement consommé des décoctions de ce champignon comme adaptogène, pour mieux gérer le stress et favoriser la récupération physique. Résultat, ces athlètes ont battu trois records du monde de course de fond.

2. Le shiitake, le fleuron de la mycothérapie asiatique :

Comme mentionné précédemment, ce champignon possède un usage traditionnel ancien en Chine et au Japon, datant de plus de 2000 ans. Très apprécié pour sa saveur délicate et umami, il est largement consommé et cultivé dans ces régions. Au Japon, pendant la période Edo (1600 – 1868), il était couramment cultivé sur des rondins, une méthode encore utilisée de nos jours de manière traditionnelle, comme en témoignent de nombreuses estampes de l’époque.

Le premier scientifique européen à avoir décrit ce champignon était le botaniste anglais Berkeley, en 1878. Cependant, ce n’est qu’à partir des années 1970 que les États-Unis ont commencé à le cultiver, suivis de près par l’Europe. Cette période a également marqué le début des premières recherches scientifiques sur ce champignon, menées à la fois en Europe et au Japon, comme nous le détaillerons plus loin.

Aujourd’hui, ce champignon est largement reconnu pour ses propriétés médicinales et reste l’un des champignons les plus utilisés à cet effet.

3. La trémelle, grand cosmétique des japonaises :

Cette espèce se trouve dans toutes les forêts subtropicales humides et pousse sur du bois mort d’arbres à feuilles caduques. Elle est courante dans le sud du Japon et est répertoriée également en Guyane par le Museum national d’Histoire naturelle.

Malgré son apparence gélatineuse, ce champignon a des applications cosmétiques surprenantes. Au Japon, il est appelé shiro kikurage, ce qui signifie méduse d’arbre blanche.

Bien qu’il soit répertorié dans un ancien traité chinois, le Shennong Bencao (2800 ans avant J.C.), comme stimulant du foie et de la circulation sanguine, il est également utilisé comme agent liant dans des soupes ou des sauces en cuisine.

Actuellement, le laboratoire de cosmétologie Typology l’utilise sous forme d’extraits dans un masque hydratant et repulpant. Une autre société commerciale, Thremethic, le produit pour restructurer la peau et limiter ce que l’on appelle l’inflamm’aging cutané.

4. Le reishi, un super régénérant hépatique :

Le reishi est une espèce répandue dans tout l’hémisphère Nord. Dans les régions d’Asie, de la Corée du Sud au Japon, ce champignon est vénéré comme un porte-bonheur depuis des millénaires, et il est même considéré comme un symbole de longévité. En Corée, il fait partie des dix symboles de longévité et est souvent représenté sur des paravents ou des estampes, connu sous le nom de yeongji, renfermant l’élixir d’immortalité.

La mycothérapie chinoise répertorie ce champignon depuis la Dynastie Yuan (1271 – 1368) pour divers usages médicinaux, cosmétiques et nutritionnels. Il est réputé pour ses bienfaits sur les troubles nerveux, l’insomnie et les troubles neurologiques. À partir du 15ème siècle, il est particulièrement connu pour renforcer l’immunité, augmenter la résistance aux maladies et apporter vitalité à ceux qui le consomment.

Bien que relativement amer et coriace, le reishi était traditionnellement utilisé en décoction. De nos jours, son amertume a incité certaines entreprises à créer des produits comme le café ou le chocolat au reishi, tel que le célèbre café des guerriers.

En Birmanie, le reishi est également utilisé traditionnellement comme baume analgésique, notamment pour soulager les piqûres de moustiques.

Ce champignon est actuellement l’un des plus étudiés en mycothérapie, notamment pour ses propriétés immunostimulantes, antivirales et régénérantes du foie.

5. Le maitake, le champignon qui danse :

Lorsqu’une famille japonaise découvrait ce champignon dans la nature, c’était source de grande joie, au point qu’ils dansaient autour de lui. Ce champignon est réputé pour être excellent en cuisine et pour ses bienfaits supposés sur la longévité. De plus, il peut peser plusieurs kilos, ce qui représente une heureuse découverte pour toute une famille.

Cette espèce pousse comme hémiparasite au pied des chênes, des châtaigniers ou d’autres feuillus à feuilles caduques des régions tempérées. Bien qu’elle soit relativement rare dans la nature, elle peut être facilement cultivée, comme le démontre la société suisse Champigourmet.

La médecine traditionnelle chinoise vante les mérites de ce champignon pour stimuler le système immunitaire et réguler la tension artérielle. Aujourd’hui, il est très populaire en mycothérapie.

6. L’enokitake, un habitué des fondues japonaise :

Cette espèce spécifique pousse à l’état sauvage dans l’hémisphère nord et émerge tardivement en saison. Même par temps de gel, il est fréquent de le trouver en plein hiver, grâce à son chapeau visqueux contenant une substance antigel lui permettant de survivre aux températures hivernales.

Au Japon, il est cultivé pour produire une variété blanche et filiforme, souvent utilisée dans les fondues japonaises avec des légumes. Cette variété, désormais considérée comme une espèce distincte, Flammulina filiformis, est cultivée depuis près de 800 ans en Chine. Les Chinois l’appellent le « champignon d’hiver à aiguilles dorées » et l’utilisent non seulement en cuisine, mais également dans leur médecine traditionnelle pour les troubles du foie et les ulcères gastro-duodénaux.

Ces connaissances empiriques et usages traditionnels ont suscité l’intérêt des scientifiques pour la mycothérapie. Les champignons utilisés par diverses cultures, tels que les Mixtèques, les guérisseurs chinois, les mages africains ou les sorciers sibériens, font l’objet d’études approfondies, révélant leur potentiel thérapeutique.

La mycothérapie, une science de grand avenir

Les premières recherches scientifiques sérieuses se sont concentrées sur le shiitake, bien que le célèbre chaga, découvert sur Ötzi, ait été largement utilisé en médecine en Russie dès la fin des années 1940. Un exemple marquant est celui de l’écrivain russe Alexandre Soljenitsyne, guéri d’un cancer de l’estomac par le chaga grâce au docteur Maslennikov de l’hôpital de Tachkent, comme relaté dans son ouvrage « Le Pavillon des cancéreux ».

En Europe, les recherches scientifiques ont réellement débuté en 1975, avec le shiitake étant le premier champignon à être commercialisé comme complément alimentaire, notamment grâce au laboratoire Holistica et son produit shii-ta-ker.

Au Japon, les études se sont principalement concentrées sur les propriétés du lentinane, un extrait de shiitake. Une étude complète menée en 2016 sur des patients atteints de cancer a démontré l’efficacité d’une thérapie immunostimulante à base de lentinane en complément de la chimiothérapie. Depuis 1985, le Japon utilise des extraits contenant cette substance comme adjuvant dans les traitements contre le cancer.

Plus largement, les champignons médicinaux ont commencé à être sérieusement étudiés dans les années 90 et surtout dans les années 2000. Le regain d’intérêt aux États-Unis pour la mycothérapie est en grande partie attribué au mycologue Paul Stamets, auteur du premier ouvrage de mycothérapie intitulé « Growing Gourmet and Medicinal Mushrooms« , publié pour la première fois en 1993. Les chercheurs chinois, taiwanais et japonais ont également mené de nombreuses recherches, principalement in vitro ou sur des modèles animaux. Les essais sur des patients en double aveugle sont encore relativement rares.

Dans l’ensemble, les recherches ont d’abord visé à comprendre les principes actifs des champignons étudiés, ainsi que leur mode d’action, en se basant sur les propriétés traditionnelles de ces champignons. Un aperçu de ces recherches peut être observé à travers l’étude du reishi, du cordyceps, du chaga et du pleurote.

Le chaga, un champignon phare de l’immunité

Depuis sa découverte salvatrice lors du traitement du cancer de l’estomac d’Alexandre Soljenitsyne, ce champignon a progressivement gagné en popularité et semble aujourd’hui se positionner comme l’un des remèdes naturels les plus prometteurs contre le cancer.

Ce champignon se distingue d’abord par sa puissante action antioxydante, se classant en tête de l’indice ORAC avec une valeur de 32 000 unités ORAC (Oxygen Radical Absorbance Capacity), qui mesure sa capacité à neutraliser les radicaux libres.

En outre, il renferme des salicylates de méthyle, de la bétuline et de l’acide bétulinique. En parasitant le bois de bouleau, son mycélium concentre naturellement le salicylate présent dans cet arbre, ainsi que la bétuline, un composé spécifique aux arbres du genre Betula.

La bétuline, extraite de l’écorce du bouleau par certains laboratoires de compléments alimentaires, est le principal composant de produits tels que Bétulex, reconnu pour sa richesse en bétuline. Plus de 2000 études ont été menées sur cette substance, démontrant notamment ses effets anticancéreux in vitro, notamment en stimulant l’apoptose des cellules cancéreuses.

Une étude comparative in vitro réalisée en 2009 a révélé que l’acide bétulinique était plus efficace que la bétuline contre les lignées de cellules cancéreuses du pancréas humain. De plus, l’acide bétulinique semble être mieux absorbé au niveau intestinal que la bétuline, ce qui en fait un adjuvant naturel potentiellement plus intéressant pour les traitements conventionnels dans le cadre de la médecine intégrative.

Une étude polonaise menée en novembre 2017 a souligné la complémentarité d’action antiproliférative entre l’acide bétulinique et le sorafénib, confirmant ainsi le potentiel thérapeutique de l’acide bétulinique dans le traitement du cancer.

Bien évidemment, le chaga ne dispense pas d’un suivi médical ni d’un traitement classique. On l’emploiera plutôt en complémentarité, dans le cadre de la médecine intégrative.

Le cordyceps, un immuno régulateur anti mitotique

Lorsque nous achevions nos études de naturopathie et que nous nous plongions dans l’étude des propriétés des champignons médicinaux à la fin des années 1990, nous avons rencontré le docteur Gary Lefebvre. En 1985, il avait importé un produit asiatique appelé Asiatonic, sur demande du Ministère de la Santé de l’époque. Ce produit, présenté comme un extrait de thé spécial de Chine, était en réalité composé d’extraits de cordyceps, accompagnés de sa chenille parasitée. Le Dr. Lefebvre nous avait alors informé que le cordyceps était capable de bloquer sélectivement l’utilisation du cholestérol par les cellules cancéreuses, inhibant ainsi leur division cellulaire en empêchant la formation de membrane cellulaire. Selon ses dires, le cordyceps agissait donc comme un antimitotique naturel.

Le cordyceps contient principalement de l’acide cordycépique et de la cordycépine, cette dernière étant un analogue du nucléoside adénosine. Un rapport de 2021 semble indiquer qu’elle exerce un effet sur la division cellulaire des cellules cancéreuses, bien que le mode d’action précis reste à déterminer. Ce même rapport souligne également les propriétés anti-inflammatoires de la cordycépine, qui a fait l’objet de près de 1100 études scientifiques. En revanche, l’acide cordycépique a été moins étudié. Un rapport de 2014 met en lumière les diverses propriétés de la cordycépine, soulignant l’absence d’effets indésirables réels, bien qu’il soit déconseillé en cas de maladies auto-immunes par mesure de précaution.

Le reishi, pour mieux supporter les traitements classiques

Ce champignon, largement utilisé en mycothérapie chinoise, renferme une multitude de principes actifs, dont bon nombre restent encore à découvrir ou à étudier en profondeur. Parmi les composés principaux, on retrouve notamment l’acide ganodérique, l’acide ganodermique, l’ergostérol, des stéroïdes, l’adénosine, le bêta-1,3-D-glucane et des peptidoglycanes.

Une étude significative met en évidence les propriétés hépato-protectrices du reishi. Dans cette étude datant de 2006, des chercheurs ont induit une fibrose hépatique chez des rats. Les groupes ayant reçu des extraits de reishi dans leur alimentation n’ont pas présenté de dégénérescence hépatique, contrairement aux rats du groupe témoin.

Cependant, une étude plus récente datant de 2023 rapporte deux cas de possibles toxicités liées à la consommation de reishi en même temps que de l’alcool. Dans ces cas, des lésions hépatiques aiguës ont été observées. Bien que ces cas soient rares, il est important de prendre en considération la possibilité d’une toxicité croisée avec l’alcool lors de la recommandation de reishi sous forme de complément alimentaire.

Pleurote et les lovastatines, contre le cholestérol

Depuis que nous avons introduit en 2006 les extraits de pleurote comme complément alimentaire, nous avons observé des retours réguliers de cas montrant une régulation notable de la glycémie et de la cholestérolémie. Des recherches ultérieures ont révélé que les pleurotes contiennent des lovastatines, notamment la monacoline K, ce qui explique leurs effets sur le taux de cholestérol.

Une analyse des effets des pleurotes (20) met également en lumière leur action efficace sur la glycémie. Par exemple, une étude menée par Khatun et ses collègues (21) a fourni du P. ostreatus cuit (150 g/j, 3 fois par jour 50 g) dans le cadre d’un repas en échange de légumes pendant 7 jours à des patients hospitalisés atteints de diabète de type 2 (DMT2) ou présentant une glycémie à jeun altérée et une dyslipidémie. Les résultats ont montré une réduction moyenne de 22 % du glucose plasmatique à jeun (FPG) et de 23 % du glucose plasmatique 2 heures après le petit-déjeuner (2hABF) après le premier traitement aux pleurotes.

Mycothérapie, vers un avenir radieux

Cette brève exploration révèle l’ancienneté de l’utilisation de la mycothérapie pour le traitement et l’amélioration de la santé humaine. Bien sûr, aujourd’hui, grâce à de nombreuses études scientifiques, nous commençons à mieux comprendre comment les champignons agissent dans de nombreuses pathologies, même les plus graves. Alors que les plantes ont fait l’objet d’études scientifiques depuis la fin du 19ème siècle, la mycothérapie est une discipline bien plus récente. Avant l’an 2000, les expériences scientifiques étaient rares, de même que les publications scientifiques. Jusqu’à la fin du 20ème siècle, l’utilisation des champignons reposait largement sur la tradition, les pharmacopées chinoises et japonaises, ainsi que sur les pratiques populaires en Grande-Bretagne, en Grèce, en Europe de l’Est et jusqu’en Sibérie. Cependant, avec la découverte de la pénicilline par Alexander Fleming en 1928, issue du Penicillium notatum, il est évident que les champignons supérieurs recelaient également un potentiel thérapeutique important. Les nombreuses études actuelles ne font que confirmer la richesse de la mycothérapie. Désormais, il ne fait aucun doute que cette discipline émergente deviendra une science majeure au 21ème siècle.

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